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Photo du rédacteurG. Barot

Propriétés géométriques du diagramme étoilé

Dernière mise à jour : 12 juil. 2023

La « structure interne du carré » est l’une des figures essentielles de la géométrie pratique, au fondement de la plupart des tracés. Elle est peu connue du monde académique et diversement nommée par ailleurs : « starcut diagram[1] » (diagramme étoilé), « A de Charlemagne[2] », etc. Sa fécondité est maintenant validée par des équipes d’Historiens et de chercheurs travaillant sur le système architectural des voûtes gothiques tardives. Ainsi, à l’Université de Liverpool, autour de l’équipe d’A. Buchanan, J. Hilson and N. Webb (programme de recherche Tracing the Past, initié en 2014[3]).

Figure 1 - synthèse des modes de division du carré.

[Première propriété] La structure interne du carré est composée de ses axes de symétrie (diagonales et médiatrices des côtés : fig. 1), ainsi que de ses demi-diagonales reliant un sommet du carré au milieu du côté opposé. Leur tracé révèle un étoilement dont les points d’intersections permettent astucieusement de partager les côtés du carré initial en un nombre indéfini de parties : de 3 à 11 (voire 13) dans les cas les plus courants (voir synthèse fig. 1). Se reporter à fig. 2 pour l'exemple de division par 3 et 5.


Figure2 - mode de division par 3 et 5.

L'origine de ces tracés est très peu documentée, même si la popularité de ces propriétés, aux XXe et XXIe s., est surtout liée à T. Brunés et ses successeurs (tous fortement teintés d’ésotérisme, voire affiliés à la franc-maçonnerie, dans le cas de T. Brunés)[4]. Ce point sera abordé dans un autre article. Il est toutefois certain que cette figure fondamentale est connue et utilisée au Moyen-Âge,

comme le montre l’ouvrage d’Hans Hammer, datant de la fin du XVème s. Le Musterbuch [5] ne livre aucun commentaire explicite, mais laisse apparaître très clairement la structure du tracé (fig. 3), basée sur le partage du côté de chaque carré en 3 ou 4 parties. La justesse de la « restitution » géométrique sert ici de preuve…


Figure 3 - Hans Hammer / détail des tracés (Musterbuch, folio 42)
Figure 4 - triplets pythagoriciens (d'après J. Kappraff).

L’étude minutieuse des planches 42 et 46 montre qu’Hans Hammer a appliqué ce mode de division à des rectangles, notamment de rapport 1 x √2[6]. Cela peut être d’ailleurs généralisé à tout rectangle[7].

[Deuxième propriété] Les autres propriétés géométriques ont été étudiées à la fin des années 1990, notamment par Jay Kappraff, professeur de mathématiques au New Jersey Institute of Technology (USA), qui lui a consacré plusieurs essais[8]. Sa plus belle découverte est d’avoir restitué le pavage de triangles rectangles dont la mesure des côtés correspond à des triplets pythagoriciens” de 3-4-5 unités, 9-12-15 unités, etc. (fig. 4). Le triangle 3-4-5 est un triangle “canonique” déjà connu des Babyloniens[9]. C’est sans doute ainsi que Villard de Honnecourt parvient à diviser l’arc d’un chœur en 5 ou 7 parties (cf. folio 15 de son Album). L’angle aigu d’un triangle 3-4-5 est de 36.87°, proche de π/5 (36° , soit une approximation 2.4%), alors que son angle obtus est de 53.13°, proche de 2π/7 (51.43 avec une approximation de 3.2%).

Figure 5: Analyse par D. Kozlov (ibid.)

Pour D. Kozlov[10], « il est possible de démontrer que tout diagramme étoilé de Brunés – à huit branches, quelles qu’en soient les dimensions - est composé de triangles rectangles dont les côtés sont proportionnels à un triplet de Pythagore. On peut considérer un carré v x v dans lequel sont inscrites trois diagonales de rectangles u x v qui se croisent et qui forment un triangle rectangle abc. [fig. 5].

(...) L’hypoténuse est égale à la somme de a + d, et d se rapporte à b comme u se rapporte à v. Par conséquent, l'équation c = a + ub/v permet de déterminer comment a se rapporte à b :


Le résultat signifie que les segments a et b sont proportionnels aux expressions v2-u2 et 2uv respectivement. Dans ce cas, l'hypoténuse c est proportionnelle à u2 + v2. Il est beaucoup plus facile de trouver la relation entre a et b au moyen de la trigonométrie, en tenant compte du fait que l'angle entre c et a est le double de l'angle entre c et v [fig. 5] :

Les formules résultantes correspondent à la solution générale de l'équation a2 + b2 = c2 dans les nombres entiers. Si u et v (v > u) sont des entiers positifs, qu'ils ne sont pas tous deux impairs et qu'ils n'ont pas de facteur commun, alors les expressions a = v2-u2, b = 2uv, et c = u2 + v2 satisfont les triplets primitifs de nombres de Pythagore". (fig. 5).

Figure 6 - Diagramme étoilé et grille de sept (d'après D. Kozlov).

[Troisième propriété] Une autre propriété fondamentale est donnée par D. Kozlov en combinant le diagramme étoilé et la construction d'une grille de sept mailles carrées (fig. 6). Tracer les 4 arcs de cercle (ce sont des quarts de cercle) tangents entre eux et passant par le centre du carré. Le rayon de ce quart de cercle mesure la moitié de la diagonale du carré inscrit [(√2)/2 = 1/√2]. Se crée ainsi un système de proportions basé sur 1/√2, qui est très proche de 5/7, avec une approximation de moins de 1%... (5/7 = 0,71 ; 1/√2 = 0,707) : d’où la correspondance avec une grille de 7 mailles carrées.

Ce mode de division est désigné par le terme de «division sacrée »[11], et dans le monde anglo-saxon – peut-être sous l’influence des études J. Kappraff – sous le nom de « star cut » (littéralement « division étoilée »).


[Applications – exemples de tracés régulateurs]

Figure 7 - Tracé régulateur du labyrinthe de Reims (G. Barot)

[« Division sacrée » du carré] L’un des exemples les plus explicites est celui du tracé du labyrinthe de Reims (fig. 7). Il convient ici de rappeler que la forme originale diffère du logotype du Ministère de la Culture, où le polygone central est identique à chacun des quatre bastions. Or le dessin de Jacques Cellier (vers 1583-1587) montre très clairement que l‘octogone central est plus grand que ceux des bastions périphériques[12]. Tous les détails et toutes les étapes du tracé sont à retrouver sur www.geometriesensible.com / Traits d’esprit.

Figure 8 - Rose gothique d'après G. Jouberton (restitution du tracé régulateur: G. Barot)

Un autre exemple est fourni par le tracé régulateur de la rose gothique flamboyante que G. Jouberton expose dans Tracés et Coupes des Pierres. Réseaux (Paris, éd. Vial, 2013 ; p. 119 à 126). Là encore, la « division sacrée » du carré, et la grille modulaire qui lui correspond (un multiple de sept), sont essentielles pour réaliser ce tracé et placer les centres du tracé sur les intersections nécessaires que fournit la structure du tracé (fig. 8).


[« Division sacrée » du cercle] Une variante – appliquée au cercle - est enfin visible dans le motif de rosaces gothiques, comme dans le chœur de Notre-Dame de Paris (fig. 9). Ce mode de division est appliqué non pas à un carré, mais ici à un cercle, avec le même système de proportions basé sur 1/√2, conformément à la division ad quadratum du carré initial. En effet, le diamètre de l'arc de cercle est égal au côté du carré initial / √2 (fig. 10 : restitution).

Figure 9 - tracé régulateur des rosaces du choeur de Notre-Dame de Paris : restitution G. Barot

Bibliographie succincte: voir article en .pdf (ci-dessous : téléchargement gratuit)





English version





Notes & références

[1] Brunés, T. (1967). The secrets of ancient geometry and its use, Copenhagen : Rhodos edition, 2 vols., 332 and 252 p. [2] Rosier, L. (2013) Les Yantras; Tracés dynamiques des maîtres-d’œuvre du Moyen-Âge, et autres tracés… Roanne, Mosaïque éd. ; 451 p. Il est probable que cette dénomination fasse référence à la structure apparente d’un reliquaire du XIIe s. de l’abbaye de Conques, attribué – d’après une légende – à Charlemagne : ce dernier, voulant doter toutes les abbayes de Gaule d'une lettre de l'alphabet, aurait donné le «A» à Conques… [3] Buchanan, A., Hillson, J. and Webb, N. (2021). Digital Analysis of Vaults in English Medieval Architecture. New York & London: Routledge, 289 p. [4] M. Stewart (2009) Patterns of Eternity: sacred geometry and the starcut diagram ; Edinburgh (UK) : Floris Books ; 280 p. Seconde éd. (2022) : Sacred Geometry of the Starcut Diagram : The Genesis of Number, Proportion, and Cosmology ; Rochester (Vermont / USA) : Inner Traditions/Bear & Company, 320 p. [5] Manuscrit de la fin du 15ème s. : Herzog August Bibliothek, Wolfenbüttel, Allemagne (mss 114.1). [6] G. Barot Fondements de la Géométrie Pratique, 2016-2022 ; e-book www.geometriesensible.com/traits-pour-trait : p. 37-38. [7] Buchanan, A., Hillson, J. and Webb, N. (2021). op. cit. ; chap. 3, notamment les pages p. 96 à 113. Bien repérer le cercle construit sur la longueur du rectangle (p. 105-106). [8] J. Kappraff (1990). Connections: The Geometric Bridge between Art and Science. Singapore : World Scientific Publishing Co, 2001 (first published by McGraw-Hill Inc, New York, USA, 1990) ; 470 p. ; Beyond Measure: A Guided Tour Through Nature, Myth, and Number, 2002 : chap. 8 « A secret of Ancient Geometry ». Singapore : World Scientific Publishing Co ; pp. 169-187. [9] O. Neugebauer The Exact Sciences in Antiquity, 2nd ed. (1st ed. : 1957), Dover publications, 288 p. [10] Kozlov D. (2016). "Generalized Brunes Stars and System of Pythagorean Triples", In : Bridges Finland 2016, pp.379-386. Publié par Bridges Organisation (www.bridgemathart.org) [11]« Sacred cut » chez T. Brunés (op. cit, chap. 6 ; p. 109-120). Voir également Cardinaux S. (2010) Géométries sacrées, t. II, Escalquens ; éd. TrajectoirE ; p. 172-173. [12] Manuscrit de 217 feuillets, 360 × 215 mm. Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. C’est le seul témoignage de ce labyrinthe créé pour le sacre de Philippe le Bel en 1286 et malheureusement détruit en 1779. Voir D. Naert Le labyrinthe de la cathédrale de Reims : la signature des bâtisseurs, éd. Sides, 1996 ; 96 p. Toutefois, l’interprétation géométrique qu’il donne ne semble pas suffisamment rigoureuse.

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1 Comment


Guest
Sep 06, 2023

tres interessant

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